Une centaine de partcipant-e-s pour cette AG du 29 mars 2018 à Paris organisée en une matinée de présentations et débats internes et une après-midi pour un débat public sur le thème de la transition alimentaire.
Dominique Hays, Président, a ouvert la journée avec un rapport moral intitulé « vivons la transition » pour rappeler l’importance de l’héritage des fondateurs.
Le premier temps de la transition est celui de la gouvernance avec des temps statutaires de travail, bureaux, CA, plus réguliers et placés au cœur de la stratégie de projets, appuyés par une dizaine de commissions et groupes de travail auxquels il faut ajouter les réunions régionales et autres dialogues de coopération. Cette délibération associative renforcée est indispensable pour comprendre les enjeux des transitions que nous vivons toutes et tous sur nos métiers, nos missions, nos publics. Une transition de gouvernance évidemment avec l’arrivée de Julien Adda au poste de directeur national au 1er janvier après 4 mois de tuilage avec Jean-Guy Henckel qui avait souhaité prendre ses droits à la retraite en 2018.
L’autre transition est bien sûr celle du « changement d’échelle » du réseau Cocagne alors que, pour la première fois, toutes les planètes semblent alignées pour faire de la transition alimentaire dans les territoires une réalité partagée entre pouvoirs publics et acteurs professionnels. Dominique Hays a rappelé cette vision stratégique issue du projet « Maison cocagne » sur le plateau de Saclay que cette nouvelle gouvernance a bien l’intention de faire aboutir. Il a ensuite annoncé une première réussite avec un mécénat national pour le « plan serres » en la personne d’Emmanuel Faber et de sa fondation « Fonds des Bois » pour plus d’un million d’euros sur trois ans. Le réseau Cocagne va ainsi solliciter tous ses adhérents pour le dépôt concomitant d’un dossier national « filières bio solidaires » auprès de L’agence bio en mai. Pour accompagner ce changement d’échelle plus largement auprès du grand public, si ambitieux et si complexe, Dominique Hays a également annoncé la contribution de Valérie Bonneton (cf https://fr.wikipedia.org/wiki/Val%C3%A9rie_Bonneton), célèbre actrice populaire, comme marraine de notre association pour nos campagnes de collecte 2018.
Julien Adda, directeur national, a présenté ensuite les grandes lignes du projet stratégique pour 2018 issu des travaux des instances statutaires et commissions : un territoire de production solidaire avec le plan serres et le renforcement de nos capacités d’accompagnement techniques « en réseau » ; un territoire d’économie sociale et solidaire qui situe les jardins et entreprises Cocagne dans un agenda de transition alimentaire fait de circuits de proximité à impacts sociaux avec une offre de services par les adhérents à la filière, un territoire de consommation citoyenne révélant toutes les dimensions sociales du projet Cocagne avec l’accessibilité, l’émancipation etc.
L’assemblée générale a été l’occasion d’entendre plus dans le détail les attendus de ces axes stratégiques, l’occasion aussi et surtout de rappeler qu’ils seront affinés et mis en oeuvre avec les adhérents dans le cadre des travaux des commissions, des débats des réunions régionales (notamment sur la question du développement futur de Cocagne dans les territoires), ou encore dans le cadre d’accompagnements externes financés par le HUB Ess des partenaires du réseau Cocagne (Caisse des dépôts, Caritas, AG2R…).
Les débats ont permis également de faire des points d’information sur l’avancée des travaux « logiciel Jardin » avec une échéance 2019 sur la base d’un cahier des charges printemps 2018. Rémy Martin, administrateur en charge de ce dossier affirmant : « Le modèle des jardins se complexifie avec plusieurs métiers, et le développement de la vente en ligne, l’animation de commuanutés locales… nous avons un besoin urgent d’une plate-forme web open-source qui soutienne notre développement».
François Farhi et Jean-Jacques Croisille ont présenté le rapport financier avec Laura Héraud, RAF et la Commissaire aux Comptes, Valérie Rochard. Un résultat légèrement positif de 7000e en 2017 grâce aux financements complémentaires obtenus notamment de la part d’AG2R. Pour 2018, le volume budgétaire est maintenu avec 200Ke de produits restant à trouver et une masse salariale en transition avec d’importants mouvements d’équipe « classiques » dans ces contextes de transition de gouvernance et de projet.
Le rapport moral, le rapport financier ainsi que le rapport d’activité 2017 ont été votés très majoritairement.
L’après-midi a été consacrée à un débat public pour mieux comprendre ce que signifie cette transition alimentaire et quelle place peuvent et doivent y jouer les jardins et entreprises Cocagne.
Henri Rouillé d’Orfeuil, pour la plate-forme RESOLIS, dont nous sommes partenaires, a introduit le débat en qualifiant cette transition agricole et alimentaire. Il rappelle la remise en cause du système agro-alimentaire actuel responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre par l’agriculture et de l’effacement de l’identité des territoires de production et de consommation. Il y a dans le même temps une renaissance de l’économie alimentaire locale. Comment faire atterrir les grandes entreprises mondiales ? Comment traiter les effets néfastes sociaux et environnementaux et culturels ? Pour Henri Rouillé D’Orfeuil, s’adressant au réseau Cocagne, « vous produisez bio, vous faite de l’insertion dans un lien particulier avec les territoires (resto co, pédagogie de l’alimentation). Vous êtes là pour cristalliser les économies territoriales au travers de Projet Alimentaire Territoriaux (PAT) bio d’insertion. »
Pour illustrer cette proposition, Dominique Hays a présenté la théorie et la pratique de l’Ecopole alimentaire, récemment primé au Salon de l’agriculture pour le PNA catégorie Justice sociale. Parti d’un Projet territorial de Coopération économique (PTCE) organisant la collecte et la distribution des légumes bio du jardin et des maraichers locaux, l’Ecopole a essaimé ses logiques coopératives de territoire au sein du bassin minier avec une ferme agricole urbaine organisant cette fois la mobilisation des habitant-e-s pour une économie d’échanges de services (élevage de poules de race locale, vergers urbains, marchés locaux etc.) valorisés par une monnaie locale, la MANNE…
Quand pense les producteurs bio ? Guillaume Riou, secrétaire national (élu président de la FNAB le 14 avril), a posé les constats de fond : « Nos deux réseaux ont de quoi parcourir en commun ces enjeux de changement d’échelle ». La FNAB travaille depuis 2009 sur le développement de la bio sur les territoires sur lesquels il y a des enjeux, notamment l’eau. 35 sites pour de l’acquisition foncière, création de filière, installation, reconquête de la masse d’eau. En ce sens, le « Territoire » est terre et terroir compris dans ses fonctionnalités, comme bassin de vie appelant de nombreuses attentes sociétales. Quid du développement économique de la bio et de ses conséquences pour nos structures ? A ce jour 8 milliards d’euros de CA avec 20% de croissance annuelle. « Nous ne sommes pas prêts à ce changement d’échelle. Est-ce à nous d’absorber ? » Force est de constater l’explosion de l’agri conventionnelle parce que leur modèle économique s’écroule d’où les fortes sollicitations des grands groupes pour leur « transition alimentaire ». Face à ça : il faut numériser la production mais ne pas oublier l’Homme, il ne faut pas servir le conventionnel mais rester libre pour coopérer avec le social. La solution ? : la coopération sur les territoires pour fournir 20 % de bio aux citoyens dont les villes. La transition c’est aussi le choc démographique avec 12 millions d’hectares qui vont se libérer (cessation) dans les dix ans. Des projets d’installation à soutenir, notamment avec les villes qui envisagent ce que les Etats n’envisagent plus…
Sophie Fourchy, Directrice fondation Carrefour, était attendue après de telles interventions sur la place de l’ESS face à l’économie conventionnelle en « transition ». Elle a rappelé les 20 ans de soutien du réseau Cocagne pour des raisons territoriales (le magasin à côté du jardin de Chalezeule, premier jardin de Cocagne en 1991). Ce partenariat a grandi en répondant aux besoins des jardins (bourses d’investissement), puis aide à la consolidation du Réseau National (Maison Cocagne, bourses R&D). Au final, du constat de cette histoire et de son évolution étonnante entre un groupe international de 300 000 salariés et un réseau d’insertion, Sophie Fourchy affirme « nous pouvons nous apporter mutuellement des solutions ». Sans vouloir répondre à la place du groupe Carrefour, elle précise : « on ne peut pas faire l’impasse de la GMS dans la mondialisation. Mais c’est vous qui allez pouvoir nous changer. Un grand distributeur comme Carrefour peut mettre à disposition des terrains au service de la production, de la pédagogie pour les clients de Carrefour. Nous sommes les premiers vendeurs du bio, pour que cela se passe bien pour la montée en puissance du bio on a besoin de le faire avec vous.»
Les débats ont été riches pour présenter notamment des initiatives concrètes des adhérents en réponse à ces enjeux, on pense aux activités d’insertion dans les quartiers prioritaires de graines de Soleil à Marseille, d’une fonction de couveuse de futurs maraichers par le jardin de Lorient, du prêt d’un terrain par un céréalier bio pour la création d’un jardin (Le Thou, près de la Rochelle) afin de créer un mini pôle bio (légumes, pain etc.).
Christiane Démontes, Présidente du CNIAE, a conclu les débats en rappelant que « L’IAE est à une étape importante. On a parcouru le chemin d’accompagnement des personnes pour maintenant être consulté par les pouvoir publics. » On compte 5000 structures inégalement réparties sur le territoire via un financement subventionnel public conséquent pour accompagner les personnes (1 milliard d’€ Etat + collectivité territoriales). En ce sens, l’IAE c’est l’accompagnement des personnes et la structuration des territoires. Il faut se positionner sur les termes : inclusion emploi ET accompagnement social. Que se passe t’il quand les personnes sortent d’une SIAE ? Le salariat n’est pas la seule possibilité. » Si le modèle économique dominant n’est pas l’ESS, se jouent sur les territoires des enjeux d’inclusion qui mériteraient plus de publicité et de visibilité. Beaucoup de projets, de besoins sociaux auxquels on ne répond pas ou de manière trop discrètes. Il faut que ces initiatives fassent sens et servent de modèles.
Dominique Hays clôture cette Assemblée générale avec quelques points clés résumés des débats et interventions: « Se situer dans un modèle économique inclusif. » En ce sens, le territoire pose question sur sa nature inclusive ou pas du point de vue du bien vivre, de l’insertion, de nouvelles formes d’employabilité. « Nous pouvons jouer un rôle dans la complexité territoriale. Se professionnaliser pour créer de l’associativité (cf. l’intervention de Roger Sue au Forum de novembre). Notre spécificité : l’accessibilité (emploi, justice sociale alimentation, investissement territorial), nos partenaires en co construction et co accompagnement… enfin aller vers le « Haut de gamme » : passer du territoire au terroir, de la science au sens grâce à la confiance créée avec nos consom’acteurs…
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