Voici quelques années, déjà, que nous nous inquiétons des conséquences d’un effritement progressif des relations entre les pouvoirs publics et la société civile organisée. Chaque année, nous nous encourageons à tenir bon face aux adversités et tracasseries du quotidien, qui sont d’épuisants marqueurs de cette lente mais bien réelle dégradation.
Jusque-là, nous tenons. Mieux : à la faveur de notre charte, le Réseau Cocagne a réussi à accompagner ses Jardins dans de nouvelles ambitions, productives d’abord, par différentes actions de professionnalisation et des plans de modernisation de nos appareils de production, mais aussi sociales, pour que le bien-vivre alimentaire soit de plus en plus accessible à tous. Tout cela contribue à faire grandir la qualité de notre métier d’insertion, par le travail utile et une diversification de cette offre de travail.
A la Rochelle, nous étions, au cœur des crises, en mesure d’exprimer nos fiertés. Nous pouvons aussi évoquer le rôle majeur que nous continuons de jouer pour permettre l’émergence d’idées neuves imaginées dans les Jardins : Fais pousser ton emploi, les Archipels nourriciers, les écopôles alimentaires, les tiers lieux agricoles, les Territoires à vivres, dont l’une des réussites a permis d’offrir un terreau favorable à la première caisse de l’alimentation à Montpellier, etc.
Nous tenons donc jusqu’alors et mieux encore.
Mais c’est sans compter l’accélération des phénomènes d’outrance politique qui nous amènent, de manière exceptionnellement brutale, au rôle de victime colatérale d’un « beau merdier national » qui, pour le coup, ne se dissout pas. Nous sommes de surcroît victimes de la crise ouverte entre les collectivités publiques territoriales et l’État, expliquée notamment par le coût de la montée des précarités à prendre en charge puisque notre modèle n’est toujours pas déterminé à en traiter les causes. Pendant que, dans ce temps, le Monde entier allume partout des foyers d’intolérance, carburant du totalitarisme, qui menace les prochaines décennies et nous éloigne, ce faisant, de la priorité du rapport retrouvé avec le vivant.
Comment, dans ce contexte de panique, faire comprendre aux décideurs qui continuent de tirer des bords dans une mer démontée que nous sommes toujours une corde de la bouée qu’il n’est pas, mais alors vraiment pas, à propos d’écharper ?
Sans doute en arrêtant de nous regarder du haut du bilan de chacune de nos structures et en apprenant à mieux prendre conscience, puis à mieux nous servir, du poids sociétal monumental que représentent tous nos cordages actuellement déployés dans la mer ?
Partant de cette considération,
Cocagne se veut porteur de cette posture et invite inlassablement, pour ce faire, au ralliement.
En écrivant ce quasi programme, je me rends compte d’une immanquable filiation à l’exhortation de ce grand résistant et acteur de l’économie solidaire qui nous a quittés et que nous affectionnons tous : Claude Alphandéry.
Dans cet appel, Claude nous demande de nous mobiliser dans une « grande alliance humaniste des forces de vie » et d’agir comme si nous ne pouvions pas échouer.
A l’échelle individuelle de nos entités, le succès est désormais impossible. Et quand bien-même il le serait, resterait le goût amer d’un résultat noyé dans l’isolement.
A l’échelle des réseaux reliés les uns aux autres nous pouvons encore y arriver. Et c’est ce que nous allons faire. C’est là notre art de vivre.
Tenons debout pour que le vœu se réalise.
Dominique Hays,
Président du Réseau Cocagne
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