Répondre à l’urgence sociale ?
Pour des lieux de citoyenneté retrouvée autour d’un besoin vital et fédérateur : l’alimentation
Mardi 19 novembre 2019, un collectif d’associations et d’acteurs de la recherche ont présenté à Paris des expériences de tiers lieux alimentaire à dimension sociale, créées avec les personnes précarisées et fragilisées afin qu’elles deviennent actrices des projets alimentaires locaux. Des lieux d’innovation sociale dans une perspective de démocratie et citoyenneté alimentaire pour renouveler le modèle de solidarité et inventer les métiers de demain, ceux de la transition écologique et sociale de notre économie.
Des besoins sociaux urgents et massifs, des personnes précarisées qui veulent être actrices
Laurent Seux pour le Secours catholique a rappelé les chiffres de la pauvreté et de la précarité en France, près de 3 millions de personnes exclues durablement du travail, plus de 5,5 millions inscrites à l’aide alimentaire. Des personnes stigmatisées, « qui ont honte » déjà parce qu’elles sont rendues le plus souvent responsables de leur situation, celle par exemple de ne pouvoir nourrir correctement ses enfants, et doublement honte d’être « assistée ».
« Contre la norme du citoyen modèle autonome », Virginie Poujol, du laboratoire du Leris, considère que « les lieux qui nous intéressent sont des lieux dont le point de départ de nombreuses actions est le besoin des personnes en situation de précarité et non l’inverse ». Il faut décloisonner l’intervention sociale entre des mondes différents (ex. agriculteurs, consommateurs, travailleurs sociaux, bénévoles etc.) et pouvoir se réapproprier l’enjeu économique au travers d’une économie populaire.
Dominique Hays, Président du réseau Cocagne, témoigne du rôle des associations d’insertion par l’activité économique pour notamment « réintroduire le travail dans la vie des gens » à partir de leur désir profond, les accompagner là où ils vivent sur de nouveaux métiers et débouchés économiques.
Des initiatives locales exemplaires qui doivent être largement soutenues
Au Mas de Carles, à Villeneuve-Lès-Avigon, dans le Gard, 46 résidents vivent toute l’année sur une ferme bio de 26 ha, accompagnés de 13 salariés permanents et 40 bénévoles actifs. Au cœur du projet de l’ensemble des lieux à vivre : la valorisation de l’humain. « Je suis arrivé au Mas en très mauvaise santé. En un an et demi, j’ai perdu 40 kg, ça a été un changement physique énorme. Au Mas, la liberté est totale, dans la mesure où tout le monde se respecte. Notre travail nous valorise, ce qui réactive une étincelle de vie qu’on sent s’éteindre tous les jours, lorsqu’on est dans la précarité. » témoigne Joël Bonhomme, désormais en charge des poulets de chair au Mas.
Au Ménadel et Saint-Hubert, à Loos-en-Gohelle, dans le Pas-de-Calais, Dominique Hays, directeur des Anges Gardins (association qui porte le tiers lieux) explique « Nous sommes au cœur de l’industrie minière, la population y est laissée pour compte. L’idée est de faire société en réponse aux besoins essentiels. C’est une approche qui ne peut pas être sectorisée, elle est forcément décloisonnée, le terrain l’impose d’ailleurs. « Le Menadel et Saint-Hubert » demande de l’huile de coude et non de l’argent et propose aux gens d’aider sur des choses qui sont à leur portée. Les personnes ont une conscience sociale. Il faut bannir le mot bénéficiaire et reconstruire des passerelles là où il y a des barrières quand la peur de tout perdre domine. ». L’outil principal de cette reconstruction du lien social : un système d’échange de savoir-faire et de services reposant sur une monnaie-temps, la MANNE.
Ces projets apparaissent dans de nombreux territoires, à l’instar de la Grange en Dordogne, porté par l’association « Du beurre dans les haricots ». Ici, à Abiat sur Bandiat, cinq personnes, dont trois travailleurs sociaux ont décidé de rénover un lieu autour du triptyque production – transformation – mutualisation dans une démarche d’éducation populaire. Trois ans de bénévolat pour monter ce projet qui devrait ouvrir en juin 2020 « C’est un choix de vie politique. On se vit comme un laboratoire. » assument les 5 co-fondateurs du projet.
Des leviers identifiés pour déployer les Tiers Lieux Alimentaires à Dimension Sociale
Afin de soutenir les initiatives et déployer partout en France ces lieux d’émancipation sociale tournés vers l’alimentation notamment, les acteurs ont conclu par la mise en débat d’une proposition en matière d’action publique :
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